Ils sont passés par ici - Légendes et réalités
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A suivre... Quand Cugistoria imagine...
 
 
 
 
 
(1) Jacques Bouilly, Joseph Augias et Samplan étaient les fidèles lieutenants de Gaspard de Besse. Augias et Samplan étaient d’anciens forçats. Samplan, autrefois colporteur, aurait été condamné pour avoir diffusé des écrits de Voltaire et de Diderot. La rencontre entre Gaspard, Bouilly, Augias et Samplan connait plusieurs variantes…  Retour au texte
 
(2) Pour d’autres, il aurait été dénoncé, peut-être même par une femme jalouse, puis arrêté dans l’Estérel, dans une maison qui lui aurait appartenu. Retour au texte
 
(3) L’acte de condamnation stipulait que la tête de Gaspard serait exposée au bois des Taillades, clouée à un arbre, en bordure de chemin, celle d’Augias dans les bois de Cuges, et celle de Bouilly dans les bois de l’Estérel. Retour au texte
 
(4) D’après « Miettes de l’histoire de Provence », Stephen d’Arve. Retour au texte
N'est-ce point cette sinueuse route de Cuges, traversant moult bois épais et défilés étroits, qui fut le théâtre de ses premiers faits d'armes ? N’est-ce point au château de Fontblanche, tout près d’ici, que, un soir de 1779, il aurait fait irruption au beau milieu d’une réception mondaine, organisée par les dames de Garnier, propriétaires des lieux (4) ? La tradition ne veut-elle pas qu’il ait eu sa table réservée dans l’une des auberges du village, où, bénéficiant de complicités, il puisait ses informations ?
 
Une tradition qui veut aussi que ce soit autour de Cuges que Gaspard ait caché son fabuleux trésor. Voilà qui en a fait rêver plus d’un ! Rares sont les sites depuis lesquels on peut apercevoir « trois châteaux » qui n’ont pas été fouillés de fond en comble... C’est que, de temps à autre, Robin des Bois laisse la part belle aux héros de Stevenson ou d’Edgar Poe.
 
Sans doute faut-il prendre également en compte un dernier facteur qui explique que, encore de nos jours, ce personnage romanesque a conservé la sympathie des Provençaux. Les aventures de Gaspard se sont transmises de génération en génération. Les grands-parents les ont contées à des petits-enfants que l’on imagine émerveillés. Ainsi, Gaspard est indissociable des souvenirs d’enfance, ce qui ne peut qu’exalter tout un aspect affectif et émotionnel.
 
Curieusement, Gaspard de Besse n’apparaît pratiquement jamais dans les documents officiels, si ce n’est bien sûr dans l’acte de sa condamnation à mort. A Cuges, les archives communales ne sont guère plus éloquentes à son sujet. Aucune délibération ne mentionne son nom, ni un quelconque méfait qui puisse lui être attribué. Mais ce silence peut s'expliquer de maintes manières...
 
Car sa présence autour du village semble avérée : l’acte de condamnation en fait état, et de tous les « crimes » qui lui ont été reprochés, les seuls qu’il ait reconnu sont en effet les vols commis dans les Gorges d’Ollioules, dans le massif de l’Estérel et dans les bois de Cuges.
 
Et force est de reconnaître que, pour sillonner la Basse-Provence, il a bien fallu qu’il emprunte la seule route qui reliait Marseille à Toulon, celle qui traversait Cuges. Ainsi, bien que les preuves soient minces, nous devrions, sans grand risque d’erreur, pouvoir dire que, à Cuges aussi, Gaspard de Besse est passé… et a sans doute sévi.
Evidemment, à Cuges, Gaspard de Besse, on l’a bien connu.
Il y a bien longtemps, d'aucuns disaient même qu'il y avait été supplicié
vers 1800, sur la place de l'église...
Désormais, dans les auberges, sur les places des villages, le soir à la veillée, l’opinion publique en fait un héros. Gaspard est celui qui dérange les parlementaires, celui qui terrorise collecteurs d’impôts et usuriers, tous ceux qui causent le malheur du petit peuple. Aux enfants, aux gens de passage, on parle de ce bel homme, toujours galant envers les dames, intelligent et audacieux, habile à déjouer les pièges d’une maréchaussée qu’il ridiculise. L’image qui s’installe dans la mémoire collective est avant tout celle du brigand au grand cœur, défenseur de la veuve et de l’orphelin, donnant aux pauvres ce qu’il a dérobé aux riches. Gaspard de Besse est devenu le symbole du justicier rebelle, mais également celui de la révolte paysanne en Provence.
 
Sans doute, la période prérévolutionnaire, puis la Révolution elle-même, survenue huit ans à peine après l’exécution de Gaspard, ont-elles contribué à renforcer ce symbole. Au travers du personnage, ou de ce qui en a été fait, se retrouvent bien des allégories de la Révolution française : est omniprésent un idéal de justice et de liberté. Dans « l’affaire Gaspard de Besse », l’Histoire a largement laissé son empreinte sur la légende.
Vivant, Gaspard était un personnage populaire.
Mort, il entre dans la légende.
Accusé de port d’armes, de vol à main armée, « d’insultes nocturnes », mais jamais d’assassinat, Gaspard est condamné au supplice de la roue, autrement dit à une mort atroce : le condamné est solidement attaché sur une roue, bras et jambes écartés. Le bourreau, à coups de barre de fer, lui brise chaque membre. La foule, présente lors de chaque exécution, peut alors assister à sa lente agonie. Lorsque le supplicié a fini par rendre l’âme, le bourreau lui tranche la tête.
 
C’est ainsi qu’est mort Gaspard de Besse, le 25 octobre 1781, à Aix, ainsi que deux de ses fidèles compagnons (3).
Qui croire ? Toujours est-il qu’autour de lui se rassemblent quelques malfrats, anciens forçats pour la plupart, avec lesquels il détrousse sans vergogne les gens de passage (1).
 
Arrêté une première fois, Gaspard est incarcéré dans une prison de Draguignan, prison dont il s’échappe dans des circonstances plutôt rocambolesques. Il retrouve rapidement ses fidèles lieutenants et sa troupe. Gaspard et ses hommes, une cinquantaine, semble-t-il, extrêmement mobiles et organisés, sévissent partout où le cadre naturel s’y prête. (Mais il est fort possible que certaines des attaques qui lui sont attribuées soient l’œuvre d’autres bandes…)
 
De méfait en méfait, d’exploit en exploit, la renommée de Gaspard parvient jusqu’à Paris : une lettre anonyme envoyée à Necker exige que l’on mette fin aux agissements de « cette nouvelle bande de Mandrin, plus dangereuse que la première ». Necker rappelle à l’ordre l’intendant de Provence : Gaspard, condamné par contumace, est recherché dans toute la région. Quelques-uns de ses complices sont arrêtés. Le 23 octobre 1780, à la Valette, Gaspard finit par l’être à son tour, a priori par hasard (2).
Gaspard Bouis est né en février 1757, à Besse, petit village varois, dans une famille de ménagers, c’est-à-dire de petits paysans propriétaires des terres qu’ils cultivent. Il est donc issu d’un milieu qui, loin d’être riche, ne fait pas partie des plus défavorisés. Voilà des éléments qui ne devraient soulever aucune controverse.
 
Il n’en est pas de même quant aux raisons qui ont conduit Gaspard à basculer dans le brigandage et dans l’illégalité. Pour les uns, Gaspard est un déserteur enrôlé contre son gré, après avoir été enivré par les recruteurs du roi. Pour d’autres, c’est un homme éclairé par les Lumières, que la misère et l’injustice révoltent. Pour d’autres encore, c’est un paysan ruiné.
Si le brigandage est loin d’être une innovation du 18ème siècle, le phénomène semble toutefois s’y être amplifié.
 
Les brigands ne sont pas toujours d’anciens mendiants. Ce sont parfois des hommes issus de milieux modestes, des artisans sans travail, des paysans ruinés à la suite de mauvaises récoltes ou victimes d’usuriers intransigeants et voraces. Les uns comme les autres agissent à l’aube ou au crépuscule, et continuent durant le jour à exercer leurs activités « officielles ».
 
Pour les voleurs de grand chemin, la route de Marseille à Toulon est un lieu de prédilection. C’est une route qu’empruntent collecteurs d’impôts et négociants en voyage d’affaires. C’est par elle que transitent toutes sortes de marchandises précieuses, débarquées depuis peu dans le port de Marseille… Enfin, la route qui relie Marseille à Toulon est propice aux embuscades de toutes sortes. Ce cadre naturel, particulièrement sauvage et accidenté, les brigands en connaissent le moindre recoin, tandis que la maréchaussée, ne comptant que deux brigades, l’une à Marseille, l’autre à Toulon, est totalement impuissante.
 
Impuissante, elle le sera longtemps face à Gaspard de Besse… « l’homme à la fleur de genêt », le Robin des bois provençal…
 
Comme en témoigne une abondante littérature romanesque, le personnage a inspiré bon nombre d’écrivains et de poètes du 19ème et du 20ème siècle. Phénomène parallèle, des Bouches-du-Rhône aux Alpes-Maritimes, nombreux sont les bourgs et les villages qui, force anecdotes à l’appui, ont uni leur propre histoire à la sienne. Si bien que Gaspard est entré dans la légende, empêchant souvent de distinguer le mythe de la réalité.
Gaspard de Besse - Le Robin des bois provençal
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